Archives par mot-clé : gitans

Luttes et letras

1 de couv. "Flamenco une histoire sociale"

Flamenco une histoire sociale

d’Alfredo Grimaldos
Traduction (de l’espagnol) par France Nancy et Gérald Gale
Éditions Les Fondeurs de briques
sept. 2014, 300 p., 25 euros.

Ouvrage en vente sur ce site

Le flamenco est une histoire de luttes qu’on devine dans ses letras : luttes sociales des ouvriers agricoles ; luttes antifascistes pendant la guerre d’Espagne et le franquisme ; luttes contre le racisme anti-gitan…

La grande majorité des artistes contemporains ne portent plus ces luttes : aujourd’hui les artistes les plus talentueux ont la possibilité de se produire dans des grands théâtres avec de bons cachets et sont à l’abri des difficultés sociales. Et vu de France, les flamencos expatriés, enfants ou petits enfants d’exilés, sont maintenant éloignés de ces histoires tragiques et sont rarement impliqués politiquement.

Pourtant, on sent bien que les letras sont souvent les témoins de cette douloureuse histoire sociale. Le livre d’Alfredo Grimaldos donne un nombre impressionnant de clés qui sont très utiles au public non initié car les références sont parfois lointaines et inconnues des artistes flamencos eux-mêmes.

En effet, certaines références historiques remontent au dix-neuvième siècle comme en pages 53-54 ou l’on découvre cette magnifique letra por siguiriya chantée entre autres par Enrique Morente accompagné par Juan Ramón Caro.

Doblaron las campanas
De San Juan de Dios
Cómo mataron a Torrijos er valiente
¡Miren qué doló !

La letra parle du débarquement et de l’exécution du général libéral Torrijos sur la plage de Málaga à la fin du règne de la restauration de Ferdinand VII en 1831.

Antonio Gisbert Pérez, L'exécution de Torrijos
L'execution de Torrijos à Málaga par Antonio Gisbert Pérez (1888) Prado Madrid

Le livre est dense avec de nombreux témoignages. Son auteur, Alfredo Grimalos, est journaliste et critique « flamenco » à El Mundo depuis 1989 et il fut l’un des fondateurs et des animateurs de la revue Cabal. L’ouvrage est ainsi constitué de multiples témoignages avec de nombreuses citations de letras. L’épilogue traite de l’histoire des rapports entre la presse et les artistes flamencos. L’ouvrage comprend aussi un beau cahier photo avec des photos d’Elke Stolzenberg et de José Lamarca : un chapitre du livre traite d’ailleurs de l’histoire de ces photographes et de leurs rapports avec le flamenco.

À propos de ce livre, on peut lire également ces articles de Flamenco Culture et de Philosophie Magazine.

Alfredo Grimaldos est mort le 4 décembre 2020. Retrouvez les hommages d’El Mundo et des Fondeurs de briques.

© Philippe Grand, déc. 2016, mise à jour déc. 2020.

Chroniques de la fatiguillita

Couv. Mauvais Garçons

Mauvais garçons ; intégrale

historias de soleas
de Chritophe Dabitch et Benjamin Flao

aux éditions Futuropolis, 29 €, paru le 22 août 2013

Ouvrage en vente sur ce site

Les chroniques dessinées du quotidien de deux amis artistes qui vivent le flamenco à Utrera aujoud’hui.

J’avais un ami gitan qui n’aimait rien…

Ainsi commence cette BD d’une dizaine de séquences qui racontent la vie de deux amis d’Utrera « la Mecque de la Soleá » : l’un est chanteur, gitan, l’autre est guitariste, payo français venu en Andalousie vivre le flamenco.

De la complicité-rivalité avec les anciens à l’incompréhension des jeunes pour cette passion pour une musique d’un autre âge : le livre décrit très bien le mal-être (la fatiguillita des flamencos), moteur de leur art.

De nombreuses letras flamencas sont citées tout au long de l’ouvrage, montrant la dimension incantatoire de ces textes.

Les coplas dans ma mémoire
c’est comme une ruche
elles se bousculent
et on ne sait jamais laquelle sortira en premier

[Tengo mi cuerpo de coplas
que parece un avispero
se empujan una y otras
por ver cual sale primero].

Le dessin à l’encre de Chine est élégant et efficace et c’est une belle réalisation.

Parution initiale en 2 volumes en 2009.

© Philippe Grand, mars 2016.