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Camarón de la Isla – Une biographie stupéfiante enfin traduite

Camarón de la Isla, La douleur d'un prince

Camarón de la Isla, La douleur d’un prince

de Francisco Peregil, épilogue de Silvia Cruz, traduit de l’espagnol par P.J. Bourgeat
Éditions Les Fondeurs de briques, collection Instrumental
fév. 2019, 240 p., 18 euros, EAN 9782916749501

Ouvrage en vente sur ce site

Un essai remarquablement documenté sur la vie tumultueuse de l’immense cantaor qui n’évite pas les questions sensibles et fait parler ceux qui ont connu Camarón.

Une biographie et des témoins

Première traduction française de ce livre paru en 1993 – un an après la mort de Camarón ! Puis réédité en Espagne en 2014 et en 2017, avec un épilogue de la journaliste Silvia Cruz. Le livre est un récit très bien documenté s’arrêtant sur quelques moments charnières de la vie du chanteur, comme les enregistrements de La leyenda del tiempo (album marquant la fin de la série de onze titres produits par la famille de Paco de Lucía) ou de Potro de rabia y miel (le dernier album de Camarón, produit dans la douleur, avec Paco de Lucía)…

Camarón de la Isla, album La leyenda del tiempo
Camarón de la Isla, album Potro de rabia y miel

Cet essai de Peregil propose aussi des portraits et des témoignages de personnages qui ont marqué la carrière de Camarón comme ses guitaristes (Paco Cepero, Paco de Lucía et Tomatito), ses « gardes du corps » ou ses soignants (José Candado, Marcelo Camús…).

Camarón, un mythe

Mais ce livre est d’abord une remarquable enquête journalistique autour des mystères et légendes entourant le personnage Camarón : le mystère de son aura et de sa popularité extraordinaire ; le mystère de sa mort, qui n’en est pas vraiment un pour un homme terrassé par le cancer du poumon à 41 ans alors qu’il fumait quatre paquets par jour, du haschich et de l’héroïne ; mais surtout le mystère de la douleur de Camarón, l’enfant devenu adulte à treize ans avec la mort de son père, le chanteur petit « prince des marginaux ».

Le symbole d’un bouleversement social

Et c’est là un des points de vue les plus intéressants du livre : ce mythe du chanteur qui a brûlé sa vie en allant jusqu’au bout des fêtes et de l’absorption de produits est contextualisé avec le phénomène de l’explosion de la consommation de drogues chez les jeunes gitans des années 1970. Cannabis, cocaïne, héroïne… se sont substitués (ou ajoutés !) à l’alcool dans les pratiques festives et de production du flamenco. Ce qui a induit une individualisation des comportements et la modification des traditions d’autorité familiale qui en ont découlé. Ce phénomène, accentué par la politique d’embourgeoisement de quartiers comme Triana à Séville et une relégation des pauvres et des gitans à la périphérie des villes, modifie profondément la tradition du flamenco.

Les lèvres de l’homme d’Almería…

Camarón y Tomatito en Montreux

Le livre s’ouvre et se ferme avec le concert du 6 juillet 1991 au Festival de Jazz de Montreux accompagné par Tomatito (l’homme d’Almería), où sont apparus les premiers signes de la maladie de Camarón, un an avant sa mort. Regardez les premières minutes de cette vidéo extraordinaire, por alegría mais sous tension… « Les lèvres de l’homme d’Almeria ont toujours raison (écrit Silvia Cruz) : il n’y eut pas de meilleur thermomètre que leurs commissures pour annoncer un succès ou une angoisse de celui de la Isla. » Le son de ce concert est aussi disponible en version CD (qui vient de paraître en 2018), de bien meilleure qualité que sur la vidéo. Passées les premières minutes de tension, la révolution du chant de Camarón emporte ce public non initié et la légende est en route…

Soy Gitano… le Prince des gitans

Vingt-sept ans après sa mort, la légende de Camarón est intacte et le prince indétroné. L’impressionnante bibliographie et filmographie consacrée au chanteur en est l’illustration.

Camaron la révolution du flamenco

Découvrez cette production en complétant cette lecture par l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu, Camarón, la révolution du flamenco, en vente lui aussi sur ce site, qui apporte de nombreux documents : des cartes (San Fernando, le Madrid de Camarón, une discographie détaillée, une bibliographie très complète (actualisée en 2010), un index des noms cités…

Retrouvez également sur le web la discographie de Camarón de la Isla. ainsi qu’une analyse détaillée de cette discographie par Claude Worms sur Flamencoweb.

© Philippe Grand, février 2019.

L’œil de la letra lauréate du Prix de l’Enseignement Musical 2016

Prix de l'Enseignement Musical

L’œil de la letra est lauréate du Prix de l’enseignement musical 2016 dans la catégorie « Méthode » pour le premier volume de la collection Soleá

Le Prix de l’Enseignement Musical a été décerné à José Sánchez le 21 novembre 2016 par la Chambre syndicale des Éditeurs de Musique en France dans la catégorie « Méthode ».

Portrait José Sánchez
José Sánchez

Je tiens à remercier chaleureusement tous ceux qui ont contribué à ce projet passionnant. Tout particulièrement Philippe Grand, créateur de la collection L’œil de la Letra qui m’a accompagné à chaque étape et sans qui cet ouvrage n’aurait pas pu voir le jour. Et bien évidemment Alberto García qui a fait un travail remarquable sur le CD accompagnant la méthode. Sans oublier la maison d’édition L’Entretemps et tous ceux qui m’ont apporté leur aide durant les deux années à préparer ce projet, Stéphanie Fuster, Pierre Fraixanet, Euriell Gobbé-Mevellec, Maël Goldwaser, La Fábrica Flamenca… Je suis heureux et fier que la Chambre Syndicale des Éditeurs de Musique de France décerne un prix à une méthode sur l’accompagnement du chant flamenco. C’est une très belle reconnaissance qui contribuera, je l’espère, à rendre le flamenco plus accessible et mieux reconnu par les institutions.

Cette initiative de porter à la connaissance du public le plus large les secrets de l’art du flamenco est récompensée par la profession des éditeurs musicaux dès la parution du premier volume. C’est une très belle réponse à notre souhait d’ouverture de cet ouvrage vers tous les musiciens.

Couv Mes premières études en duo

Une autre toulousaine partage avec José Sánchez ce prix 2016 : Valérie Apparailly pour Mes premières études en duo pour alto aux éditions Alphonse Leduc. Un recueil de partitions pour altistes débutants par une brillante pédagogue.

Librairie Le Croquenotes

Nous avons le plaisir de retrouver aussi parmi les lauréats 2016 Catherine Aubriet de la librairie Le Croquenotes dans la catégorie « Magasin » qui nous a chaleureusement accueillis pour une signature au moment de la parution de Soleá. Trois des huit prix attribués cette année sont donc remportés par des toulousains.

Couv La contrebasse dans l'orchestre

Faisait également partie des finalistes toulousains Daniel Massard pour son remarquable ouvrage La contrebasse dans l’orchestre, vol. 2 aux éditions Henry Lemoine, méthode basée sur des traits d’orchestre où 33 compositeurs de Bach à Ravel sont réunis avec le souhait de faire connaître aux élèves les différents styles allant de l’époque baroque au vingtième siècle.

© Philippe Grand, novembre 2016

Chroniques de la fatiguillita

Couv. Mauvais Garçons

Mauvais garçons ; intégrale

historias de soleas
de Chritophe Dabitch et Benjamin Flao

aux éditions Futuropolis, 29 €, paru le 22 août 2013

Ouvrage en vente sur ce site

Les chroniques dessinées du quotidien de deux amis artistes qui vivent le flamenco à Utrera aujoud’hui.

J’avais un ami gitan qui n’aimait rien…

Ainsi commence cette BD d’une dizaine de séquences qui racontent la vie de deux amis d’Utrera « la Mecque de la Soleá » : l’un est chanteur, gitan, l’autre est guitariste, payo français venu en Andalousie vivre le flamenco.

De la complicité-rivalité avec les anciens à l’incompréhension des jeunes pour cette passion pour une musique d’un autre âge : le livre décrit très bien le mal-être (la fatiguillita des flamencos), moteur de leur art.

De nombreuses letras flamencas sont citées tout au long de l’ouvrage, montrant la dimension incantatoire de ces textes.

Les coplas dans ma mémoire
c’est comme une ruche
elles se bousculent
et on ne sait jamais laquelle sortira en premier

[Tengo mi cuerpo de coplas
que parece un avispero
se empujan una y otras
por ver cual sale primero].

Le dessin à l’encre de Chine est élégant et efficace et c’est une belle réalisation.

Parution initiale en 2 volumes en 2009.

© Philippe Grand, mars 2016.

La tragédie d’un duo

Couv Manuel El Negro

Manuel El Negro

de David Fauquemberg

aux éditions 10/18, 7,80 €, paru en poche le 5 février 2015

L’autobiographie imaginaire de Melchior de la Peña, guitariste payo, qui raconte sa vie d’artiste en duo avec Manuel el Negro, chanteur gitan.

Une construction malicieuse en douze chapitres : uno, dos y tres l’enfance à Santiago, le quartier gitan de Jerez ; cuatro, cinco y seis le début de la carrière artistique, à Jerez, puis Séville et enfin le départ pour Madrid… Je m’arrête à medio compás pour vous laisser découvrir la suite.
Le travail est remarquablement documenté. On y croise des figures légendaires : Manolo Caracol, Diego del Gastor… avec des indications de lieux très précises mais aucune date, ce qui permet de tout imaginer sur les personnages (on pense bien sûr au duo CamarónPaco, mais ils ne sont pas de Jerez, ça ne colle pas). Et puis il y a bien sûr les letras magnifiques, habilement traduites, qui rythment subtilement cette tragédie.

Parution initiale en grand format le 21 août 2013 chez Fayard.

À lire aussi, un très bel entretien de l’auteur avec Claude Worms sur flamencoweb

découvrez aussi les propos de l’auteur sur son travail d’écriture :

© Philippe Grand, mars 2016.