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¡ A bailar, Japón y manga ! Le chant des souliers rouges

Le chant des souliers rouges, tome 1

Le chant des souliers rouges, tome 1

de Mizu Sahara, traduit du japonais par Géraldine Oudin et Raphaëlle Lavielle
Éditions Kazé, collection Seinen
mai 2017, 192 p., 8,29 euros, EAN 9782820328403

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Premier volume d’une série de 6 mangas. Deux collégiens aux passions contrariées. Le hasard d’une rencontre. Des chaussures rouges échangées. Devenu lycéen, Kimitaka découvre que suite à ses encouragements, Takara, la fille à qui il a confié ses baskets, s’épanouit le ballon à la main. Inspiré, il décide à son tour de ressortir les souliers rouges pour se lancer dans le flamenco… et, peut-être, se trouver lui-même.

Le premier volume…

Kimitaka débute une année sombre au lycée. Je suis « en train de mal tourner », se dit-il. Il est arrivé l’année précédente avec un bon niveau au basket. Il a aidé ses camarades à apprendre ce sport mais il est rapidement devenu devancé par ses disciples : trop petit ! Donc il se braque, il se fâche et se fait mettre à l’écart, puis, dégoûté, jette ses belles baskets offertes par son grand-père…

À l’instant même, à côté de lui, une fille (Takara) jette également ses belles chaussures… de flamenco. Elle aussi est en échec dans cette danse. On se moque de sa grande taille, de ses grandes mains et de ses grands pieds. Elle abandonne. Ils décident alors d’échanger leurs chaussures mais aussi leurs discipline : elle se lance dans le basket et lui dans le flamenco.

Le chant des souliers rouges, extrait du volume 1

C’est le début d’un émouvant récit d’initiation, de la difficile reconstruction de la confiance grâce à un travail d’apprentissage né d’une rencontre. Avec la confiance arrive aussi l’amitié et peut-être l’amour…

La série

Un manga sur le flamenco ? Pas si étonnant que ça : ce manga, particulièrement bien documenté, est le reflet de l’importance du flamenco au Japon depuis les années 1920. C’est un manga de type shōnen (qui s’adresse particulièrement à des jeunes entre 8 et 18 ans) avec un héros masculin mais des personnages féminins très présents aussi. Des questions sociétales y sont finement abordées : la vieillesse d’une danseuse et les préjugés sur la nécessaire jeunesse des corps dansants, la question du genre finement abordée avec cet étrange échange de chaussures entre un garçon et une fille.

Les dessins en noir et blanc sur papier sépia avec une utilisation astucieuse des trames facilitent la lecture dans le sens japonais.

La série est composée d’un nombre total de 6 volumes…

Le chant des souliers rouges, tome 2

Le chant des souliers rouges, tome 2

Une danseuse à la retraite. Une blessure au genou. Un studio qui tombe dans l’oubli.

Kimie Morino pensait avoir laissé derrière elle ses rêves de flamenco jusqu’à ce qu’elle trouve, sur le pas de sa porte, un jeune garçon la suppliant de lui apprendre à danser.

Afin de racheter ses erreurs et de faire honneur à Takara, Kimitaka va devoir convaincre Mme Morino de remonter sur scène…

Le chant des souliers rouges tome 3

Le chant des souliers rouges, tome 3

Deux lycéens mal dans leur peau. L’un gêné par son embonpoint et sa timidité, l’autre, par sa voix rauque.

Tsubura, souffre-douleur de la classe et Hana, le grand taciturne que tout indiffère, forment désormais une petite bande avec Kimitaka. Mais leur lien d’amitié naissant reste fragile…

En partageant les cours de flamenco de leur ami, ils trouveront peut-être, aux aussi, le moyen de s’épanouir…

Le chant des souliers rouges tome 4

Le chant des souliers rouges, tome 4

Une jeune fille éperdument amoureuse. Un prince aussi charmant que cruel. Des cadeaux qui se succèdent.

En dépit des conseils de son entourage, Yuzu persiste à sortir avec un garçon manipulateur qui profite de ses sentiments. Seul Tsubura, lui-même très amoureux de la lycéenne, comprend son abnégation.

Poussé par Hana et Kimitaka, il va tenter de se rapprocher d’elle en se faisant embaucher pour le même job d’été…

Le chant des souliers rouges tome 5

Le chant des souliers rouges, tome 5

Une ancienne étoile du flamenco. Un garçon qui a tout à prouver. Un défi lancé.

Madame Kawauchi, autrefois partenaire de flamenco de Madame Morino, est convaincue que jamais Kimitaka ne deviendra un véritable danseur ! De son côté, le jeune lycéen déteste cette femme cruelle dont les méthodes impitoyables sont à l’opposé de celles de sa professeure.

Pour faire honneur à Madame Morino et à son enseignement, Kimitaka, Hana et Tsubura sont fermement décidés à lui en mettre plein la vue…

Le chant des souliers rouges tome 6

Le chant des souliers rouges, tome 6

Un lycéen aux talons rouges qui danse le flamenco, entouré de sa bande d’amis. Une lycéenne au sac porte-bonheur qui joue comme titulaire dans l’équipe de basket.

Depuis leur échange de chaussures rouges, Kimitaka et Takara se sont chacun épanouis dans leur passion. Et même si le temps a passé, ils ne se sont pas oubliés…

Alors que Takara va devoir se battre pour conserver sa place dans son équipe, Kimitaka trouvera-t-il le courage de se mettre sur le devant de la scène et de lui donner un peu de sa force ?

Philippe Grand, novembre 2021

La Joselito ou l’échange des noms

Flamenco Les souliers de La Joselito

Flamenco – Les souliers de La Joselito

de Serge Pey
Éditions Les Fondeurs de briques, collection Instrumental
avr. 2017, 360 p., 22 euros, EAN 9782916749426

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La poésie merveilleuse de Serge Pey met le cerveau en jubilation grâce au ciselage de la langue dans des textes denses et labyrinthiques.

Une compilation de textes de Serge Pey autour du thème du flamenco. La production de ces textes s’étale sur plusieurs décennies mais le choix de les rassembler dans ce livre les met génialement en valeur. La danseuse La Joselito y occupe une place centrale :  elle est une figure de l’exil républicain à Toulouse et a fortement marqué la communauté flamenca de cette ville. Le mystère de la vie de cette danseuse tisse un fil dont les torsions croisent l’univers du poète.

« Son visage avait la beauté d’un vieux diamant renversé et resplendissait, troué par le miroir de ses yeux ensorceleurs de liseuse de cartes ».

Un zoom sur quelques points de cette trame permet de découvrir l’histoire du flamenco en France au vingtième siècle et de comprendre les multiples références présentes dans les écrits de Serge Pey.

La carrière de La Joselito

Carmen Gómez « La Joselito » a vécu ses années d’apprentissage sur les routes d’Andalousie avec ses parents vendeurs ambulants puis à Barcelona formée par La Macarrona. Quand elle est encore enfant, elle rencontre le guitariste Juan Relámpago qui deviendra son mari. Ils quittent Barcelona pour Madrid puis Paris où La Joselito danse dans les fameux ballets de La Argentina. Elle se produit notamment dans L’amour sorcier de Manuel de Falla et Iberia d’Isaac Albéniz.

La Joselito accompagnée par son mari Juan Relámpago

Toulouse et la communauté de l’exil

La mort de son mari en 1956 stoppe sa carrière de danseuse de ballet. Invitée par Pedro Soler, elle s’installe à Toulouse en 1974 jusqu’à sa mort en 1998. Elle y enseigne et intervient dans des tablaos du sud de la France, le plus souvent accompagnée par Pedro Soler. La transmission de son art influence de nombreuses danseuses, en particulier à travers l’enseignement d’Isabel Soler, formée par la Joselito.

Hommage de la municipalité de Toulouse à La Joselito. Archive INA d’avril 1989

L’œuvre de Serge Pey

Serge Pey est à la fois poète, essayiste, dramaturge, metteur en scène, éditeur, plasticien, performeur… un immense artiste avec une œuvre foisonnante. Il a croisé les routes d’Armand Gatti, André Benedetto, Bernard Lubat, André Minvielle…

Il est un enfant de l’émigration espagnole républicaine à Toulouse et le livre Flamenco, les souliers de La Joselito offre des témoignages émouvants de ce destin familial : le premier poème du livre et la postface racontent par exemple la destruction du quartier des Clottes (quartier où vivaient beaucoup de réfugiés espagnols) dans les années 1970 pour le remplacer par la triste et froide Place Occitane et plus récemment par le Théâtre de la Cité. C’est dans ce quartier disparu que Serge Pey était scolarisé et qu’il a été initié à la poésie ainsi qu’au chant flamenco par Martín Elizondo (voir aussi cette chronique dans El Mundo), qui a collaboré avec le Théâtre du Grenier et écrit la pièce Coplas del tren ou La Joselito.

Ce destin d’exilé républicain a ainsi formé l’engagement politique de Serge Pey. Lire par exemple le long recueil central de Flamenco, les souliers de La Joselito sur la prison de Carabanchel, lieu de mémoire de la répression franquiste (pour en savoir plus sur ce lieu : article des Échos sur la destruction de Carabanchel, photos de Sabrina Martinez et vidéo par l’équipe du Dr. Carmen Ortiz García du CRIC) où une corrida a été donnée dans la cour centrale par et pour les prisonniers.

« Poète-plasticien », « poète-visuel », « poète d’action », Serge Pey est de tous les combats : fondateur des éditions Tribu dans les années 1970, il s’engage contre la guerre du Vietnam, contre la répression en Europe de l’est…

Serge Pey est également plasticien : parmi toutes ses réalisations citons Parole des bâtons, exposé au musée d’art contemporain Les Abattoirs de Toulouse.

Le Passage des animaux
Serge Pey, Le passage des animaux Dreamtime - Le temps du rêve, 2008 Exposition au Mas d’Azil.

Une biographie plus détaillée est disponible sur le site de Serge Pey.

La mythologie du taureau

Les taureaux sont omniprésents dans l’œuvre de Serge Pey : Tauromagia, Coplas infinies pour les hommes-taureaux du dimanche. Le travail de Serge Pey est également jalonné d’événements fondateurs, en particulier d’événements qui ont marqué la ville de Toulouse.

Serge Pey fait par exemple plusieurs références au taureau qui a donné son nom à la rue du Taur de Toulouse. La légende dit que Saturnin, l’évangélisateur de Toulouse a été torturé pour avoir refusé de saluer un taurobole en étant attelé à un taureau et traîné dans les rues de la ville.

Martyre de Saint Saturnin
Le martyre de Saint Saturnin, retable en plomb doré de l'autel majeur de l'église Saint Sernin, Toulouse, par Marc Arcis, 1720. © photo P. Grand.

Serge Pey fait aussi un lien poétique et hydronymique avec une allusion amusante au Trou du toro, aven du massif de la Maladeta dans les Pyrénées aragonaises qui a longtemps fait la controverse à propos de la source de la Garonne. Là-haut, très loin de la rue du Taur,  à 2000 mètres d’altitude, c’est l’eau disparue de la Garonne qui transforme le taur-eau en Taur !

L’échange des noms

« Nommer, c’est créer, et imaginer, c’est naître. » écrivait Octavio Paz dans Libertad bajo palabra. Serge Pey, passionné d’étymologie (voir cette interview à propos de son recueil Venger les mots) et de taureaux ne pouvait être que fasciné par l’échange des noms entre Carmen et le matador Joselito : Carmen Gomez, quand elle était encore apprentie danseuse enfant, a rencontré le grand matador José Gómez Ortega, dit « Joselito » qui a reconnu en elle une future grande danseuse et lui a donné son nom. Serge Pey interprète ce don de nom comme un don sacrificiel du nom à l’origine de la carrière de danseuse de La Joselito. En effet, en 1920, quelques années plus tard, Joselito a trouvé la mort face à un taureau nommé El Bailador (le danseur). Serge Pey relève qu’après avoir donné son nom à une danseuse le matador s’est retrouvé sans nom et désarmé face au taureau danseur.

Extrait de la Chanson du ruiseñor dans la « La guitare de coquelicot »

« Partager un nom

c’est le couper sur sa tranche

et non en son milieu

comme une feuille morte

de papier. »

Extrait du poème Sur le nom de Carmen Ascencio dans « Dialectique du compás ».

« Ainsi Carmen fut mariée à un mort qu’elle célébra en dansant.

La danse est toujours une enfant de la guitare.

Chaque corde étouffe les enfants qu’on n’a pas et les guitares nous noient dans le puits où nous dansons avec les morts. »

Ce livre de Serge Pey est un voyage fascinant dans l’imaginaire du flamenco et une belle introduction à l’univers plastique et poétique de ce grand artiste. Pour des précisions biographiques sur La Joselito, je vous recommande l’ouvrage La Joselito à l’Âge d’or du flamenco ; ethnologie d’une passion d’Annie Cathelin aux éditions L’Harmattan.

© Philippe Grand, novembre 2018.

El Aprendizaje

Juan Carlos Lérida et le corps-palimpseste

Le corps, les dimensions cachées, pratiques scéniques

Carolane Sanchez, « Le corps-palimpseste à travers l’étude de L’apprentissage de Juan Carlos Lérida »

Compte-rendu de lecture d’un article extrait de Le corps, ses dimensions cachées, pratiques scéniques, sous la direction de Guy Freixe, éditions Deuxième époque, collection « À la croisée des arts », Montpellier, septembre 2017, p. 215-225.

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Carolane Sanchez est une jeune doctorante, chorégraphe et danseuse. Elle prépare une thèse intitulée « Corporéités plurielles et palimpsestes de gestes : approche pratique de l’esthétique flamenco ». Elle utilise habilement la métaphore du palimpseste qui est initialement un terme archéologique décrivant « un manuscrit sur parchemin d’auteurs anciens que les copistes du Moyen Âge ont effacé pour le recouvrir d’un second texte » (source CNRTL).

Codex Nitriensis Syriac Text

Le corps du danseur flamenco peut être lui aussi pensé comme un support d’écritures chorégraphiques. Quelles traces laisse en lui l’histoire du flamenco et dans quelle mesure ces traces font partie de l’esthétique de cette danse ? Cette interrogation est au cœur de ce travail de thèse et elle est également centrale dans notre travail au sein de la collection L’œil de la letra en élargissant le concept au travail des musiciens et des chanteurs.

Sous cet angle, Carolane Sanchez aborde une étude concrète consacrée au spectacle El Aprendizaje de Juan Carlos Lérida.

Ce spectacle, créé en 2012 par Juan Carlos Lérida, prend pour point de départ la nouvelle de Jean-Luc Lagarce « L’apprentissage » publiée dans Trois récits, éditions Les solitaires intempestifs, Besançon, avril 2001, p. 5-35.

La nouvelle donne la parole à un personnage qui s’éveille – on comprend petit à petit qu’il sort d’un coma – et qui écrit un compte rendu ultérieur à cette expérience, décrivant avec une extrême précision tout ce qu’il vit et ressent :

Je suis juste là, j’ouvre les yeux, je les referme et je ne sais rien, je ne pense rien, je ne sais pas, je ne peux rien dire, je ne sais pas si je suis bien ou mal.

Il a tout oublié et redécouvre les sensations et les pensées les plus élémentaires : en commençant par le mouvement de ses yeux, sa présence dans un lieu (un lit dans une chambre d’hôpital), la perception des personnes autour de lui… puis la perception de son corps, des objets qui l’assistent (perfusions, tuyaux, respiration et nourriture artificielles), les déplacements de son corps vers des lieux de soins, les examens et les interventions. Il y décrit la sensation d’avoir un corps traité comme un objet, brutalement. Et c’est progressivement le récit d’un lent retour à la vie et des progrès de ses fonctions cérébrales et motrices. Carolane Sanchez parle d’une « réincorporation ».

«Trois récits» Jean-Luc Lagarce

Dans son article, la chercheuse décrit le processus expérimental qui a permis de construire le spectacle avec cette question du chorégraphe et danseur : « que se passe-t-il dans mon corps si je tente d’oublier que toute ma vie j’ai été danseur de flamenco, quelles traces visibles subsistent si je tente, à travers ce processus de recherche, d’éliminer mes chemins connus du mouvement, et en quoi cela pourrait-il être encore flamenco ? »

Sandy Sun © phto Baptiste Boisseau
Sandy Sun © photo Baptiste Boisseau

Cet article s’insère dans le livre Le corps, ses dimensions cachées, pratiques scéniques dirigé par Guy Freixe, par ailleurs directeur de recherche de Carolane Sanchez…

Éditions Deuxième époque, Collection « À la croisée des arts »

312 pages, 25 €, EAN 9782377690183

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« Cet ouvrage permet de se questionner sur le corps au sens large et développe toute une réflexion sur la conception de la corporéité de l’acteur-danseur en scène.

Le corps, tel qu’il est questionné dans cet ouvrage, tient à la fois du corps visible et de l’invisible qui, comme son ombre, l’accompagne. Celui qui transgresse les limites, brouille les frontières, se plaît aux travestissements, joue sur plusieurs niveaux. Le corps libertaire, festif, ludique, plastique. Dans une perspective pluridisciplinaire, à la croisée des arts du théâtre, de la danse, du mime, du cirque, de la marionnette, nous souhaitons interroger le corps prismatique de l’acteur-danseur en scène, entre organicité et artifice, plasticité et insoumission, liberté et contrainte, fêlure et énigme. »

Ce livre interroge en profondeur la problématique du corps dans les arts de la scène. Il aborde la question de la fragilité des corps, avec notamment la représentation de la violence ou de la transe sur les plateaux, ou la prise de risque au cirque. Il évoque aussi le corps imaginatif de l’acteur, ce que le corps porte d’invisibilité, de mémoire et sa relation avec les morts, on pense évidemment à notre fameux duende flamenco. Le livre présente aussi les thérapies corporelles (technique Alexander, méthode Feldenkrais, Body-Mind Centering…) et leurs échanges fructueux avec les arts du spectacle.

Autres ouvrages de Guy Freixe aux éditions L’Entretemps

La Filiation Copeau-Lecoq-Mnouchkine

De Copeau à Mnouchkine, une lignée de théâtre se dessine. Ces liens de filiation permettent de comprendre l’évolution d’un type de jeu, où la place de l’acteur est centrale.

février 2014, EAN 9782355391729, 26,00 €

La Filiation Copeau-Lecoq-Mnouchkine

Les Utopies du masque

Guy Freixe, plutôt que de parler du masque en général, est parti de l’idée qu’il valait mieux parler des masques. Quitter ainsi le masque-concept pour le masque-objet.

octobre 2010, EAN 9782912877666, 65,00 €

Les utopies du masque

Les collectifs artistiques dans les arts vivants depuis 1980

Cet ouvrage permet de comprendre pourquoi la dynamique de groupe est un moteur pour la création, en quoi cette organisation collective du travail soulève des problématiques esthétiques, sociologiques ou politiques.

ouvrage collectif

avril 2014, EAN 9782355391781, 16,75 €

Les collectifs artistiques dans les arts vivants depuis 1980

La Scène circulaire aujourd’hui

Ce livre interroge les enjeux de l’espace scénique circulaire dans le spectacle contemporain autour de trois thèmes à travers des tables rondes, des témoignages d’artistes et autres conférences.

ouvrage collectif

avril 2015, EAN 9782355391941, 28,00 €

La scène circulaire audjourd'hui

© Philippe Grand, février 2018.

Les métissages du flamenco

Affiche Beyond Flamenco

Beyond Flamenco (La Jota) de Carlos Saura.

Documentaire musical de Carlos Saura.

Avec : Sara Baras, Cañizares, Ara Malikian, Carlos Núñez, Giovanni Sollima…

Durée : 1h27 – Sortie : le 4 janvier 2017.

Synopsis : la Jota, danse et musique importantes dans la culture espagnole, voyage dans le temps et l’espace.  Avec Tarrega, Boccherini, Carlos Núñez ou Sara Baras, des artistes d’horizons variés font vivre l’une des sources du flamenco. Après Sevillanas ou Flamenco, flamenco, Carlos Saura poursuit son inventaire musical et chorégraphique.

Carlos Saura est l’auteur d’une cinquantaine de films avec quelques œuvres qui ont marqué sa filmographie : La Caza, 1966 ; Cria Cuervos, 1976 ; Deprisa, deprisa (Vivre vite), 1981. À partir des années 1980, il réalise de remarquables films musicaux.

Des fictions musicales et chorégraphiques : Noces de sang, 1981 ; Carmen, 1983 ; L’amour sorcier, 1986 ; Salomé, 2002 ; Tango, 1998…

Des films documentaires consacrés au flamenco : Sevillanas, 1992 ; Flamenco, 1995 ; Flamenco, flamenco, 2011.

Des films documentaires consacrés à d’autres musiques : Iberia, 2005 ; Fados, 2007 ; Argentina, 2015.

Le titre français est un peu racoleur : Beyond Flamenco pour un film où il est peu question de flamenco mais de La Jota (titre original du film) qui est une danse traditionnelle originaire du nord de l’Espagne : présente en Aragon principalement, mais aussi en Navarre, en Catalogne et jusqu’en Gallice. Beyond flamenco montre la richesse de la jota et nous fait ainsi voyager joyeusement dans ses variations régionales. La direction chorégraphique a été confiée à Miguel Ángel Berna, grand spécialiste de la jota, qui a également collaboré au spectacle Flamenco se escribe con jota.

Photo de Flamenco se escribe con jota

D’après Sud Ouest Carlos Saura a été très touché par ce spectacle (qui présente d’ailleurs en fond de scène un rideau imprimé d’un dessin agrandi d’Antonio Saura, le frère de Carlos Saura). Un compte rendu détaillé de ce spectacle est disponible sur Flamencoweb.

La question de la relation entre le flamenco et la jota est donc bien présente dans le film. La jota, danse des Pyrénées, est bien loin de l’Andalousie. Mais les flux migratoires du dix-neuvième siècle ont amené des gens du nord fuyant la misère et la guerre dans les ports gaditans. À Cádiz, la rencontre entre le flamenco et la jota aragonaise aurait ainsi donné naissance aux cantiñas et aux alegrias avec le chant d’Enrique El Mellizo qui est par ailleurs l’inventeur de très belles soleares de Cádiz que vous pouvez retrouver dans le livre-CD L’œil de la letra – Soleá. Dans le film, la danseuse Sara Baras interprète une jota en questionnant ce lien entre la jota et les cantiñas.

On peut voir aussi le guitariste Cañizares jouer une Jota de Francisco Tarrega (1852-1909) et montrer comment la jota a nourri la musique classique espagnole.

Dans le même registre, le film montre un fandango (encore un style voisin de la jota) de Luigi Boccherini (1743-1805) interprété magistralement par le violoncelliste italien Giovanni Sollima et un danseur vêtu d’un gilet de torero (peut-être un clin d’œil à la jota Victor el Lusitano jouée pendant la corrida pour les matadors-banderilleros).

Le titre français du film soulève finalement avec justesse cette question des métissages musicaux et chorégraphiques. Beyond signifie littéralement « de l’autre côté », « au-delà » : le film devrait s’appeler plutôt « Beyond jota » mais c’est moins commercial ! Avouons que ce brassage des cultures est parfaitement montré et c’est ce qui rend le film très émouvant.

On peut cependant reprocher à Beyond flamenco un côté esthétisant qui éloigne cette musique traditionnelle de son authenticité, avec l’abus d’effets récurrents chez Carlos Saura : les miroirs, la danse systématiquement filmée en studio, en dehors de son contexte social… La presse française ne manque pas de souligner ces défauts : Le Monde parle d’une « musique incarcérée en studio », La Croix titre : « Beyond flamenco : La jota éreintée » et enfin Les Échos  ironisent : « Beyond flamenco : La jota c’est ça ! » en référence à un délicieux sketch de Raymond Devos. Il y démontre ses talents de tocaor, on peut l’écouter sur l’album Deezer J’ai des doutes et il mérite largement de conclure cet article !

© Philippe Grand, janvier 2017.